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Au commencement, les hommes se mirent en quête de lieux propices au repos dans quelque région sûre; et, ayant découvert une aire commode et agréable pour leurs besoins, ils s'y arrêtèrent et prirent possession du site, avec la volonté que toutes les activités domestiques et privées ne se déroulent pas dans le même lieu mais qu'il y ait des endroits différents pour dormir, pour faire le feu et pour les autres occupations; là-dessus, ils commencèrent par réfléchir à la façon de poser des toits pour s'abriter du soleil et de la pluie; à cette fin, ils ajoutèrent des murs, en guise de flancs, pour supporter les toits, réalisant qu'ils seraient ainsi plus sûrement protégés contre les saisons froides et les vents glacés; enfin, ils ouvrirent dans les murs, de bas en haut, des portes et des fenêtres, non seulement pour accéder à l'édifice et s'y rassembler, mais aussi pour capter la lumière et la brise aux saisons propices, ainsi que pour chasser l'humidité et les vapeurs qui auraient pu se former dans la demeure. C'est pourquoi, quel qu'en fût à l'origine l'instaurateur - Vesta la fille de Saturne, les deux frères Euryalus et Hyperbius, Gellius ou Thrason, ou encore Tiphinchius le cyclope - , je pense en définitive que l'instauration des édifices connut ainsi ses premiers commencements et son ordre premier. J'estime qu'ensuite l'art d'édifier se développa du fait de l'usage et des techniques en inventant divers genres d'édifices jusqu'à ne plus connaître aucune limite ou presque. En effet, ces édifices sont publics ou privés, sacrés ou profanes, les uns destinés à l'utilité et à la nécessité, d'autres à l'embellissement de la cité, d'autres encore aux plaisirs saisonniers. Mais personne ne niera que tous dérivent des principes que nous venons de recenser.
Dans ces conditions, il est clair que la question de l'édification se divise tout entière en six parties : la région, l'aire, la partition, le mur, le toit, l'ouverture. Une fois ces principes parfaitement acquis, ce que nous allons dire deviendra plus aisément intelligible. Nous les définirons donc comme il suit.
"Région" signifiera pour nous l'étendue et la physionomie de la contrée environnant le lieu où l'on doit édifier; l'aire en sera une partie.
L'"aire" sera un espace précis et délimité du lieu, qui devra être entouré par un mur pour l'utilité de son usage. Mais ce terme d'"aire" viendra aussi à signifier, en quelque endroit de l'édifice qu'il se trouve, l'espace que nous foulons sous nos pieds lorsque nous marchons.
La "partition" divise l'aire de l'édifice entier en parties en aires plus petites, d'où il résulte que tout le corps de l'édifice est rempli d'édifices plus petits, tels des membres assemblés et ajustés en un seul corps.
Nous appelons "mur" toute construction qui s'élévera depuis le sol pour porter la charge des toits ou qui sera montée pour enclore les espaces intérieurs de l'édifice.
Nous appelons "toit" non seulement la partie supérieure et extérieure de l'édifice, qui intercepte les pluies, mais aussi, à juste titre, ce qui s'étend en largeur et en longueur au-dessus de la tête de ceux qui marchent : plafonds à solives, voûtes, coupoles, etc.
Nous nommons "ouverture" ce qui sert, partout dans l'édifice, à l'entrée ou à la sortie des hommes et des choses.
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Alberti, L'art d'édifier. (Seuil, Paris 2004, page 57).
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Le ciel de la Place Stanislas à Nancy.
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