Le réalisateur américain Sydney Pollack (On n'achève bien les cheveaux, Les trois jours du Condor etc.) vient de signer un documentaire sur l'architecte Richard Gehry.
Voici un extrait d'une interview donnée par Sydney Pollack à France Culture :
- Arnaud Laporte : Cela nous amène à parler aussi de Frank Gehry. Comment s’accomplir, comment trouver une forme d’expression personnelle dans un métier qui est plein de contraintes : métier d’architecte ou métier de cinéaste. Sidney Pollack :
- Sydney Pollack : Il y a beaucoup de similarités entre l’architecture et le cinéma. Ce sont deux formes artistiques qui sont composées d’autres formes artistiques. Les deux commencent avec une idée esthétique pure mais afin de réaliser cela il faut faire beaucoup de choses techniques. Moi je peux rêver un film mais je dois avoir un éclairage, j’ai des comédiens… et tout ça… et donc il y a beaucoup de techniciens, beaucoup de technique… C’est la même chose avec l’architecture… Il faut des égouts, la plomberie, il faut l’eau, des ascenseurs, des escaliers, des portes. Il faut que les gens entrent et sortent… Il y a un rêve d’un beau bâtiment…Donc il y a des similitudes justement…
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- Arnaud Laporte : Frank Gehry, cet architecte à qui l’on doit, pour les parisiens, l’immeuble qui abrite aujourd’hui la cinémathèque française… Pour ceux qui ont eu la chance d’aller à Bilbao, voir cette fondation Guggenheim qu’il a réalisée… A Los Angeles il a réalisé récemment le Walt Disney Concert Hall. On en parlait il n’y a pas longtemps avec Elsa Peka Salonen le chef du philharmonique de LA. Il nous vantait tous les mérites de ce bâtiment. Esquisse de Frank Gehry donc… Du débutant au documentaire : Sydney Pollack. Antoine Guillaud :
- Antoine Guillaud : Oui c’est un film qui est passionnant d’une part parce qu’on voit ces œuvres magnifiques de Frank Gehry que vous filmez très bien Sidney Pollack. Mais surtout à cause de cette conversation que vous avez avec Frank Gehry qui est un vieil ami à vous et qui est une vraie conversation entre deux praticiens. Chacun va dire : comment tu résous tel problème… Comment tu apprends à dire non…par exemple comment trouver le petit interstice de créativité personnelle au sein d’une commande commerciale mais surtout aussi parce que Frank Gehry est un vrai personnage de cinéma. C’est quelqu’un qui est extrêmement drôle. Il a une stature… Il y une façon par exemple de regarder une maquette pendant une heure… en disant «voilà il faut que je la regarde jusqu’à ce qu’elle m’ennuie. » Il est content quand il dit : elle a l’air tellement stupide cette maquette que le bâtiment sera excellent.
- Arnaud Laporte : Est-ce que vous avez coatché Frank Gehry ?
- Sydney Pollack : Non non non non non … J’ai de la chance … vraiment j’ai eu de la chance… C’est que Gehry est quelqu’un de très théâtral. Et c’est quoi cette théâtralité chez lui ? C’est le fait qu’il n’essaie pas d’être intéressant. C’est l’opposé de quelqu’un qui fait une performance… qui joue pour la caméra, Ce qui est fascinant pour celui qui le regarde c’est qu’il est tout à fait authentique. Là où je mets une caméra ça lui est égal. Il est totalement honnête. Et ça, en soi, c’est une grande leçon. C’est plus théâtral que quelqu’un qui essaie d’ être fort(…).
- Arnaud Laporte : Il y a beaucoup de gens qui paraissent dans ce film… Des gens extrêmement connus que l’on croise dans ce film. C’est vrai que l’architecture comme le cinéma aussi a tendance à standardiser…favoriser les recettes éprouvées, Une maison on la fait la plus simple possible Il ne faut pas faire peur aux gens qui vont l’habiter. Les films c’est un peu pareil. Au cinéma on fait toujours les mêmes pour que les gens n’aient pas peur d’aller les voir. Ca les rassure.
- Sydney Pollack : La plus grande leçon qu’on peut apprendre de Frank c’est qu’il suit ses propres impulsions ses propres instincts. Et il refuse d’accepter qu’il y ait des contraintes des limites à l’architecture… que les concepts orthodoxes de l’architecture de cube, de cercle et de pyramide… il refuse d’accepter que cela soit tout ce qu’on peut faire. Lui justement il a repoussé ces frontières parce qu’il a fait confiance à ses propres instincts et à son propre jugement. C’est une leçon remarquable pour tout créateur de voir comment il travaille. Qu’on admire ou pas ces bâtiments, qu’on aime ses bâtiments ou pas on doit admirer néanmoins le fait qu’il se laisse aller. Il lâche. Et il n’y a pas de censure. Il n’essaie pas de suivre les règles de quelqu’un d’autre.
Antoine Guillaud : Même si vous dites dans le film que vous ne vouliez pas le faire d’abord parce que vous n’aviez jamais fait de documentaire mais parce que surtout que vous ne connaissiez rien à l’architecture . On a quand même le sentiment que dans votre œuvre il y a un rapport à l’architecture. J’ai un souvenir des Trois jours du condor qui se passe un moment dans le musée Guggenheim à New York. Et puis surtout l’assistance avec laquelle vous avez voulu réellement tourner dans le bâtiment de l’ONU à New York quand vous avez fait L’interprète.
- Sydney Pollack : C’est vrai mais quand je dis que je n’y connais rien à l’architecture cela veut dire que je connais mes propres instincts sur l’architecture mais je n’ai aucune formation formelle. Mais Frank il disait « mais c’est ce que je veux. Je ne veux pas quelqu’un qui est professeur d’architecture … qui va faire un documentaire sur moi, sur l’architecture. Je veux quelqu’un comme moi ». J’ai essayé d’être candide justement. J’étais le public moi. J’étais moi-même en tant que public. Parce que je suis curieux. J’aimerais savoir comment il réfléchit. Parce que je sais comment moi je pense, je réfléchis. C’est pour cela que je veux y aller. Parfois quand je suis seul chez moi je mets de la musique et je pense à des prises… Est-ce que toi tu penses à l’architecture… tu penses à des formes comme ça… Et je lui pose des questions comme ça… C’est ce que je fais dans le film. Il me dit : « Oui oui absolument ». Il m’emmène devant un tableau de Jérôme Bosch et me dit « c’est la composition que je cherche ». C’est une façon pour moi d’apprendre aussi pendant que je tourne le film. Donc j’essaie d’être à la fois public et d’utiliser ma propre curiosité afin d’apprendre des choses de Frank. Et voilà c’était ça le plaisir… c’était ça qui était le plus agréable en tournant ce film.
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Jipéhem Leprof
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